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3 juin 1789.
Mon cher père,

Je reçois votre lettre à mon retour de Versailles, où j’étais allé voir nos chers députés… J’y dînais avec nos députés du Dauphiné et de Bretagne ; ils me connaissaient tous comme un patriote et ils ont tous pour moi des attentions qui me flattent. Le tiers état n’espère plus rien de la noblesse et du clergé. Si le clergé avait pu se réunir à eux, il l’aurait fait jeudi dernier, lorsque Target, à la tête d’une députation, leur fit un discours qui attendrit plusieurs personnes jusqu’aux larmes. Il les conjura, par tout ce qu’il y avait de plus sacré, de se rendre à l’assemblée générale. Les curés, entraînés par son obsécration, crièrent par quatre fois : Aux voix ! aux voix ! mais le président ne voulut jamais aller aux voix, et les évêques, voyant la majorité évidemment contre eux, mirent tout leur soin à faire remettre la délibération au lendemain. D’ici à quinze jours, le schisme éclatera, le tiers état se déclarera la nation ; ce qui consterne plusieurs députés, toutes les provinces n’étant pas aussi remplies de patriotes que le Dauphiné et la Bretagne, la Provence et Paris. La guerre civile pourrait bientôt s’allumer.