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veto, à l’exemple de Sylla, qui avait ôté au peuple ses tribuns et son veto. Ainsi loin

    Quoi ! parce que le journal l’a accusé d’avoir écrit une lettre de menaces au président de l’Assemblée nationale ; malgré son domicile, sans vérification préalable, un citoyen a été jeté en prison ! Le marquis de Saint-Huruge a demandé au Journal de Paris une rétractation ; et le refus obstiné du journaliste a montré que ce n’était point de sa part une erreur, mais une calomnie. Le marquis de Saint-Huruge a demandé où était son accusateur, et on a refusé de le lui confronter, de le lui nommer ; et cependant il reste en prison ! Il a demandé où était cette lettre, cette signature, il défie de la produire, elle n’existe pas ; et cependant il reste en prison ! Y a-t-il rien de plus tyrannique et de plus horrible ? La Chronique de Paris, les Révolutions de Paris, l’Observateur, tous les écrivains patriotes ont publié ce trait de bienfaisance du Journal de Paris ; ils ont soulevé l’indignation publique, l’innocence de l’accusé est reconnue, et cependant il reste en prison ! et pourquoi y reste-t-il ? c’est que la dénonciation du Journal de Paris est appuyée sur une lettre de deux membres de l’Assemblée nationale ; les deux honorables membres seraient compromis ; la turpitude du Journal de Paris et une grande iniquité seraient dévoilées ! et il vaut mieux que le marquis de Saint-Huruge demeure sous les verrous, si son élargissement peut troubler le sommeil de ces journalistes, qui payés pour détourner notre curiosité sur des fadaises pour entretenir la badauderie, pour faire circuler dans les cafés et y faire avaler avec les bavaroises et les limonades, les mensonges grossiers du gouvernement, en nous faisant des dissertations exquises sur la manière dont on se crotte en marchant, en nous apprenant comment la boue s’échappe par la tangente, et tant d’autres belles choses, ont su se tirer eux-mêmes du trottoir et de la boue où ils devaient rester, et se donner un carrosse bien suspendu, où les faquins nous éclaboussent.

    (Note de Desmoulins.)