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procureurs, les avocats, les enlumineurs, les bijoutiers, les orfèvres, les baigneurs, les restaurateurs ; il ruine les six corps ; il ne fait pas de grâce au boulanger et se persuade que nous allons brouter l’herbe ou vivre de la manne[1].

  1. L’auteur de ce pamphlet, Me Le Tellier, vient d’être arrêté et conduit à l’Abbaye. La Lanterne déteste les principes de cet avocat, ennemi de la régénération ; mais elle ne criera pas moins de toutes ses forces, qu’il est affreux, lorsque la nation vient d’élever un autel à la liberté de la presse, d’en avoir arraché un malheureux écrivain qui le tenait embrassé. Le soleil luit pour les méchants comme pour les bons. Aujourd’hui c’est dans la personne d’un écrivain aristocrate que la liberté de la presse est violée ; mais ô vous tous, s’écriait Théramène, lorsque les trente tyrans l’eurent rayé de la liste des citoyens, il n’est pas plus difficile à Critias de vous effacer du rôle de citoyen que d’en effacer Théramène. Il faut demander à cor et à cri l’élargissement de ce pauvre diable d’auteur, et punition exemplaire du sieur Miromesnil, qui, malgré la défaveur d’un nom odieux, a su se glisser parmi les représentants de la commune, et en sa qualité de chef du comité de police, a ordonné la détention de Me Le Tellier. Quoi ! lorsque le sieur Bauvillier a été envoyé à l’Abbaye, et certes à bon droit, il y a eu une insurrection de tous les gourmands de la capitale en faveur du cuisinier, et quand la liberté de la presse est violée par un emprisonnement, personne ne réclame l’écrivain ! Les Parisiens ressemblent à ces Athéniens à qui Socrate disait : « Je suis médecin, je plaide contre un pâtissier ; vous êtes des enfants, ainsi je perdrai mon procès. » Ô Athéniens du dix-huitième siècle, ne comprendrez-vous jamais la nécessité de la liberté indéfinie de la presse ? Quel est le gage le plus sûr de la liberté civile et politique ? C’est la liberté de la presse. Et ensuite, quel en est le gage le plus sûr ? C’est la liberté de