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de leur mépris pour la nation, cette idée extravagante que je croyais lire dans leur visage que c’est à Dieu et à leur épée, et non à nous qu’ils doivent d’être élevés sur le pavois, la comparaison de leur petitesse individuelle avec cette grandeur soufflée, la vue d’un peuple immense qui se précipitait, qui se culbutait, qui s’étouffait pour jouir de son humiliation et de son néant, cette multitude de satellites, de valets, de cochers, et de chevaux même plus fiers que les citoyens, toutes ces images me remplirent d’une indignation inexprimable, et La haine de la royauté me causa une fièvre, la seule que j’aie jamais eue[1].

  1. Depuis la première édition de cet ouvrage, de quelle entrée différente j’ai eu le bonheur d’être témoin, le 18 juillet, lorsque le dimanche 12, quatre heures après midi, monté sur une table au Palais-Royal, et montrant un pistolet, je m’écrais qu’il n’y avait que ce seul moyen de prévenir une Saint-Barthélemy dont les patriotes étaient menacés cette nuit même, lorsque, versant des larmes de désespoir et déterminé à périr glorieusement, j’appelais tout le monde aux armes, qu’ensuite, encouragé par mille embrassements de ceux qui m’entouraient, et pressé contre leur cœur, à l’instant où j’arborais le premier à mon chapeau la cocarde verte, le signe de nos espérances et de notre liberté : chers concitoyens, que nous étions loin de penser que le mardi suivant nous verserions de plus douces larmes : des pleurs d’attendrissement et de joie, en embrassant sur les tours de la Bastille ces braves gardes françaises qui l’avaient emportée d’assaut en 25 minutes ! Que nous étions loin de prévoir cette entrée triomphale du mercredi, cette marche auguste et puissante des re-