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core des hommes en qui l’amour de la liberté triomphe de toutes les institutions politiques. En vain elles ont conspiré à étouffer ce sentiment généreux ; il vit caché au fond de leurs cœurs, prêt à en sortir à la première étincelle, pour éclater et enflammer tous les esprits. J’éprouve au dedans de moi un sentiment impérieux qui m’entraîne vers la liberté avec une force irrésistible ; et il faut bien que ce sentiment soit inné, puisque, malgré les préjugés de l’éducation, les mensonges des orateurs et des poëtes, les éloges éternels de la monarchie dans la bouche des prêtres, des publicistes, et dans tous nos livres, ils n’ont jamais appris qu’à la détester.

J’ai peine à croire ce qu’on raconte de Voltaire, que tous les ans la haine du fanastime, réveillée par l’anniversaire de la Saint-Barthélémy, lui donnait une fièvre périodique et commémorative. Ce que je puis attester, c’est que me trouvant un jour à je ne sais quelle entrée de la reine dans la capitale, et voyant pour la première fois se déployer tout le faste de la royauté, bien que j’aie l’honneur d’être Français, et que je croie en avoir le cœur, je n’éprouvai point du tout cette idolâtrie qu’on assure que nous avons pour nos rois. Le souvenir de ces chars de triomphe des Romains, où à côté du grand homme un esclave l’avertissait qu’il était simple citoyen ; ici au contraire le sentiment profond de leur orgueil,