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le même nom à Agis et à Xerxès, au premier magistrat de Lacédémone et au grand roi. Beaucoup de peuples ont chassé les rois, si on excepte les Juifs à qui Dieu prédit en vain qu’ils s’en repentiraient ; je ne connais aucune nation qui se soit donné des rois proprement dits, ce qui est la preuve que ce gouvernement a été rejeté avec horreur par tous les peuples qui ont eu la liberté de choisir et de se constituer.

Chers concitoyens, il faut que ce soit un grand bien que la liberté, puisque Caton se déchire les entrailles plutôt que d’avoir un roi ; et de quel roi peut-on comparer la bonté et les qualités héroïques à celles de ce César dont Caton ne put supporter la dictature ; mais c’est ce que nous ne pouvons comprendre. Abâtardis par la servitude, nous ne concevons pas les douceurs et le prix de la liberté ; nous sommes comme ce satrape qui vantait à Brasidas les délices de Persépolis, et à qui ce Lacédémonien répondit : Je connais les plaisirs de ton pays, mais tu ne peux connaître ceux du mien. Ce qui fait saisir à J.-J. Rousseau ce rapprochement admirable : « Il en est de la liberté comme de l’innocence et de la vertu, dont on ne sent le prix que lorsqu’on en jouit soi-même, et dont le goût s’éteint sitôt qu’on les a perdues. »

Il est pourtant, chez les peuples les plus asservis, des âmes républicaines. Il reste en-