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pas cruel, il n’était que fier[1], et nos pères l’ont chassé ; mais c’étaient des Romains. Et nous… pardon, chers concitoyens, quand j’ai assisté à l’Assemblée nationale, j’ai dit : Nous valons mieux que les Romains, et Cynéas n’a rien vu de pareil dans le sénat.

Tels furent nos rois. Je n’ai montré dans

  1. Atqui Tarquinius quem majores nostri expulserunt, non crudelis, non impius, sed superbus habitus est. Ces Romains magnanimes, qui chassèrent Tarquin, uniquement parce qu’il était fier, qu’auraient-ils dit s’il se fût qualifié Tarquin, roi par la grâce de Dieu ? s’il eût motivé les lois par ces mots : Car tel est notre bon plaisir ? Jamais conquérant n’osa dire aux peuples vaincus rien de si insolent que ce discours avec lequel nous sommes si familiarisés. Je ne sais quel patriote, choqué de voir le roi de France sanctionner par ces mots un édit bursal, et nous demander de l’argent, parce que tel est son bon plaisir, ce qui est précisément la même raison que donnent les voleurs quand ils en demandent sur le grand chemin, a fait ces vers pleins de bon sens :

    Apprends, mon cher Louis…
    Que tel est ton plaisir, n’est pas telle ma loi.
    Rends compte, et l’on veut bien encore payer ta dette ;
    Mais du moins sois poli, quand tu fais une quête.
    D’un gueux, dit Salomon, l’insolence déplaît ;
    Et c’est au mendiant à m’ôter son bonnet.

    Je voudrais que ce poëte eût fait quelques vers sur ces autres mots, qui ne me donnent pas moins d’humeur, Louis, par la grâce de Dieu. Ne semblerait-il pas que le ciel aurait manifesté par quelque miracle sa volonté de l’établir roi ? Peut-il seulement guérir les écrouelles ?

    (Note de Desmoulins.)