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premiers triomphes, son premier succès au moment où la haine et l'envie ne sont pas encore éveillées, voilà les deux souvenirs chers au cœur du pauvre Camille, les deux gloires qui, pour quelque temps, lui tourneront un peu la tête, et lui feront écrire modestement à son père ; « Une grande partie de la capitale me nomme parmi les principaux auteurs de la révolution. Beaucoup même vont jusqu'à dire que j'en suis l'auteur[1]. » Il n'en était que l'occasion, ou, si l'on veut, le coup de tocsin.

Camille semble avoir eu toujours une préférence marquée pour la France libre, son premier-né : ce n'est pourtant pas son chef-d'œuvre, et ce qu'il a écrit depuis est bien supérieur à ce pamphlet, éloquent et spirituel, mais souvent incohérent et décousu, et d'opinions assez indécises : c'est le bégayement d'un rare esprit, un long réquisitoire contre l'ancien régime, la noblesse, le clergé, la royauté : ce qu'il y a de plus net, c'est une profession de foi, assez hardie en 1789 : « Nous n'étions peut-être pas, écrivait-il

  1. Comme circonstance atténuante à ce délire d'amour-propre, il est juste d'ajouter que, s'il s'élève beaucoup trop haut dans cette lettre, c'est que ses compatriotes de Guise et ses amis avaient voulu le rabaisser, selon l'usage, en apprenant sa soudaine renommée, et que M. Desmoulins père, effrayé par leurs criailleries, les avait transmises à Camille, qui cherche à le rassurer. Plus tard, dans le procès des dantoniens. Camille s'écriera : « J'ai ouvert la