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nous soyons capables de faire honneur à nos gérants. »

Voilà tant de siècles que la patrie perd ses avances ! encore si elle pouvait avoir son recours contre la caution ! Nous ne voulons plus faire d’avances sur la garantie des morts. C’est une insolvabilité trop notoire.

Les Grecs sont, sans contredit, chez les anciens, le peuple qui a le mieux connu la liberté ; mais veut-on savoir en quoi ils la faisaient consister ? Dans l’égalité des conditions. Point de satrapes, point de mages, point de dignités, point d’offices héréditaires. Les aréopagistes, les prytanes, les archontes, les éphores, n’étaient point des nobles, ni les amphictyons des milords. On était ou fourbisseur, ou sculpteur, ou laboureur, ou médecin, ou commerçant, ou orateur, ou artiste, ou péripatéticien, c’est-à-dire promeneur ; on était fort ou faible, riche ou pauvre, courageux ou timide, bien ou mal fait, sot ou homme d’esprit, honnête homme ou fripon. On était d’Athènes ou de Mégare, du Péloponèse ou de la Phocide ; on était citoyen, on était Grec ; mais je n’aurais pas conseillé à Alcibiade de se dire gentilhomme ou marquis ; je n’aurais pas conseillé aux initiés ou aux prêtres de Minerve de se dire du premier ordre. Qu’est-ce qu’un premier ordre ? aurait dit un Athénien. Sachez qu’il n’y a qu’un ordre dans une nation, l’ordre de ceux qui la