Page:Oeuvres de Camille Desmoulins - Tome 1.djvu/150

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 144 —

nous avons une religion triste, austère, amie de l’inquisition, des rois, des moines et du cilice ; une religion qui veut qu’on soit pauvre, non-seulement de biens, mais encore d’esprit, ennemie des riches, et des plus doux penchants de la nature ; qui réprouve la joie ; qui veut qu’on marche les talons au rebours, comme les Carmélites, qu’on vive en vrai hibou, comme les Antoine, les Paul et les Hilarion ; qui ne promet ses récompenses qu’à la pauvreté et à la douleur ; qui n’est bonne, en un mot, que pour des hôpitaux. Peut-on souffrir sa maxime antinationale ? « Obéissez aux tyrans. » Subditi estote non tantùm bonis et modestis sed etiam dyscolis. Le paganisme avait tout pour lui, excepté la raison ; mais la raison n’est guère plus contente de notre théologie ; et folie pour folie, j’aime mieux Hercule tuant le sanglier d’Hermanthe, que Jésus de Nazareth noyant deux mille cochons.

Il est à remarquer que les dévots furent, en général, les pires de nos rois. On verra, dans un moment, que depuis François Ier nous n’en avons pas eu un seul, excepté Henri IV, dont la religion n’ait pas été un des crimes de son règne, comme la débauche chez Henri III : la cruauté chez Louis XI était couverte de scapulaires et de reliques. Ce Tibère de la France fut très dévot, grand faiseur de pèlerinages et de neuvaines, et qui fit gravement une loi de