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longtemps ; que, dans les assemblées qui suivraient la première, tous les associés n’auraient plus le même intérêt à la conservation du pacte social, garant des propriétés, et ils se sont occupés de mettre la dernière classe des citoyens hors d’état de le rompre. Dans cet esprit, les législateurs ont retranché du corps politique cette classe de gens qu’on appelait à Rome prolétaires, comme n’étant bons qu’à faire des enfants et à recruter la société ; ils les ont relégués dans une centurie sans influence sur l’assemblée du peuple. Éloignée des affaires par mille besoins, et dans une continuelle dépendance, cette centurie ne peut jamais dominer dans l’État. Le sentiment seul de leur condition les écarte d’eux-mêmes des assemblées. Le domestique opinera-t-il avec le maître, et le mendiant avec celui dont l’aumône le fait subsister ?

D’ailleurs, cette classe, quoique la plus nombreuse, prise séparément, ne peut jamais, par le nombre même, se mettre en équilibre avec toutes les autres centuries intéressées à la retenir dans la sienne ; et si elle n’a pu obtenir le partage des terres, à Rome même, dans une ville qui avait la moitié de l’univers à donner, où Antoine faisait présent d’une ville à son cuisinier pour le complimenter d’une sauce, et de tout un territoire à son précepteur, on peut bien penser qu’une loi agraire ne passera jamais. La possibilité de cette loi,