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franchir, ne tourneront point leurs armes contre leurs bienfaiteurs ; ils viendront se réunir en foule à leurs parents, à leurs compatriotes, à leurs libérateurs, et les nobles s’étonneront de ne voir autour d’eux que la lie de l’armée, et un petit nombre d’assassins et de parricides. Une pareille milice se dissipera devant la multitude innombrable des patriotes, comme les brigands devant la justice.

Gardons-nous donc bien d’accepter la transaction que proposent les aristocrates. Il vaut mieux, a dit avec raison l’abbé Sieyès, ne point faire de constitution que d’en faire une mauvaise. Nous sommes sûrs de triompher. Nos provinces se remplissent de cocardes comminatoires. Nous avons une armée non encore ostensible et campée, mais enrôlée et toute prête, une armée d’observation. Cette armée est de plus de quinze cent mille hommes. Pour moi, je me sens le courage de mourir pour la liberté de mon pays, et un motif bien puissant entraînera ceux que la bonté de cette cause ne déterminerait pas. Jamais plus riche proie n’aura été offerte aux vainqueurs. Quarante mille palais, hôtels, châteaux, les deux cinquièmes des biens de la France à distribuer, seront le prix de la valeur. Ceux qui se prétendent nos conquérants seront conquis à leur tour. La nation sera purgée, et les étrangers, les mauvais citoyens, tous ceux qui préfèrent leur intérêt particulier au bien géné-