Page:Oeuvres de Camille Desmoulins - Tome 1.djvu/111

Cette page n’a pas encore été corrigée
— 105 —


la marche funèbre des Vingt-Deux. Danton voulait les sauver ; mais, impuissant à cette œuvre magnanime, il s'était enfui désespéré. Au comité de sûreté générale, Bazire cachait leur dossier, je devrais dire dans son cœur ; cœur amolli, efféminé, si l'on veut, mon Dieu ! mais bon toujours, et noble par moments, un cœur d'où avaient jailli, à la Convention, quelques-uns de ces mots frappés à l'antique, que l'histoire recueille et que le temps n'efface pas. Dévouement inutile ! Les Jacobins se saisirent du dossier ; et, presque tous les jours, une députation du club venait réclamer les victimes comme leurs. Les Girondins furent livrés.

Camille suivit leur procès. Il y manifestait, avec une imprudence courageuse, ses vœux pour leur salut. Il était dans l'auditoire quand le jury rapporta l'arrêt de condamnation : « Ah ! malheureux ! s'écria-t-il, c'est mon Histoire des Brissotins qui les tue ! Ils meurent républicains ! » — Un juré, Vilatte, a raconté que « Camille voulait s'en aller et qu'il ne pouvait sortir » La foule était si pressée qu'il lui fallut rester là, comme pour expier en public, par la douleur et le remords, la faute de son libelle peu loyal. Il pleurait comme un enfant ; mais il est des pages de la vie que toutes les larmes du corps ne lavent point.