Page:Oeuvres complètes de Jacques-Henri-Bernardin de Saint-Pierre, Tome 10, 1820.djvu/278

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Cependant on nous introduisit au réfectoire ; nous nous assîmes pour assister à la lecture, à laquelle Rousseau fut très-attentif. Le sujet était l'injustice des plaintes de l'homme : Dieu l'a tiré du néant; il ne lui doit que le néant. Après cette lecture, Rousseau me dit d'une voix profondément émue : Ah, qu'on est heureux de croire ! Hélas ! lui répondis-je, cette paix n'est qu'une paix trompeuse et apparente; les mêmes passions qui tourmentent les hommes du monde, respirent ici ; on y ressent tous les maux de l'enfer du Dante, et ce qui les accroît encore, c'est qu'on ne laisse pas à la porte toute espérance.

Nous nous promenâmes quelque temps dans le cloître et dans les jardins. On y jouit d'une vue immense. Paris élevait au loin ses tours couvertes de lumière, et semblait couronner ce vaste paysage : ce spectacle contrastait avec de grands nuages plombés qui se succédaient à l'ouest, et semblaient remplir la vallée. Plus loin on apercevait la Seine, le bois de Boulogne et le château vénérable de Madrid, bâti par François Ier, père des lettres. Comme nous marchions en silence, en