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la faisanderie, les chenils. Le marquis avait l’œil à tout et rien ne lui échappait. Bref et précis dans ses observations, ses ordres, il employait toujours le mot technique, sans une hésitation, en homme au courant de toutes choses… On ne pouvait le tromper et je vis, à leur attitude, que gardes et gens de service ne devaient pas s’y risquer, du moins quand le maître était au château… Dans le chenil, il dit au piqueux qui nous suivait, la tête découverte et raide comme s’il portait les armes :

— On a encore panneauté deux cerfs, cette nuit, dans la Vente à Boulay… le sais-tu ?

— Je viens de l’apprendre de Rousseau, monsieur le marquis… À ma connaissance, ça fait sept depuis deux mois…

— Ça changera… Demain, Rousseau sera remplacé par Flamant !

Le visage du piqueux exprima une grande stupéfaction :

— Victor Flamant ?… fit-il.

Et il resta l’œil tout rond, la bouche ouverte, dans une telle contraction grimaçante que les deux pointes de sa moustache se confondirent avec celle de sa barbiche…

— Sans doute !… Eh bien ?

— Oh ! rien, monsieur le marquis !… répondit le piqueux qui, se dandinant sur ses jambes guêtrées de cuir noir, baissa la tête devant le regard sévère de son maître.