Page:Octave Mirbeau Un gentilhomme 1920.djvu/93

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et précieuse et comme je ne pourrais plus trouver sa pareille nulle part, aujourd’hui…

Ici le rire se mêla d’un peu d’admiration :

— Croiriez-vous, s’écriait-il, que cet animal-là, en reculant les bornages… en faisant, le diable sait quoi… dans le cadastre… a augmenté le domaine de trente-cinq hectares ?… Ma parole !… Et encore, je parle au moment de la mort de mon père… Car ce qu’il a manigancé depuis, lui seul le sait !… C’est un type !…

Pourquoi, sans me connaître davantage, le marquis me faisait-il à brûle-pourpoint ces confidences hasardeuses ? Il avait sans doute ses raisons, car il ne me semblait ni naïf, ni léger à ce point… Je ne les cherchais pas… D’ailleurs, depuis la scène que j’avais entendue, mon esprit entrevoyait de nouveaux horizons, et je me décidai à ne plus m’étonner de rien, à n’attendre les explications que des événements…

Changeant subitement de conversation, il bouscula les paperasses amassées sur le bureau :

— Tenez… fit-il… votre travail, pour commencer ! Je ne m’y reconnais plus moi-même… Qu’est-ce qu’il y a dans toutes ces lettres et dans tous ces papiers ?… Ma foi… je n’en sais trop rien… De tout, probablement… vous allez me vérifier ça, hein ?… détruire ce qui est inutile… classer ce que je dois garder… Ah ! ah ! nous verrons comment vous allez vous tirer de là…