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monsieur Lerible… aussitôt rentré à Paris, je sais où prendre leurs remplaçants… Ça changera, nom de Dieu !…

Il marchait, marchait dans la pièce avec agitation… J’entendais des jurons sortir, en grondant, de ses lèvres, j’entendais les coups sourds, sur le tapis, de ses chaussures… Il s’exalta encore :

— D’abord… vous… la chasse… vous vous en foutez complètement !… Mais oui !… Hier, je suis allé dans la réserve aux perdrix… Je n’ai pas vu plus de quinze couples… Où sont les autres ? Vous n’en savez rien, n’est-ce pas ?… Parbleu !… Vous ne savez jamais rien… Et cette épidémie sur les faisans ? Et la saleté des chenils… la saleté de tout ! C’est un scandale… Ici, tout le monde pille… vole… braconne… s’engraisse. En voilà assez !

Il continuait de marcher fiévreusement ; M. Lerible, humblement, continuait de se taire. Et moi… je regardais, sans m’y intéresser, les gravures anglaises coloriées qui, sur les murs du cabinet, racontaient de stupides histoires de sport, de chasses, de courses… Puis, brusquement, d’une voix toujours tranchante, mais un peu calmée, le marquis dit :

— Je vous préviens, monsieur Lerible, qu’il me faut, mercredi prochain, vingt-cinq mille francs…

M. Lerible hésitait à répondre… Il balbutia, enfin :

— Vingt-cinq mille francs !… mercredi !…