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bunal ne consentira à assermenter Flamant. Il ne le peut pas…

— C’est mon affaire… Le tribunal fera ce que je voudrai.

— Il y a la loi, monsieur le marquis…

— Il y a moi, monsieur Lerible…

Ici, je sentis la voix de M. Lerible s’armer de courage, tout en continuant de trembler d’horreur :

— Voyons… monsieur le marquis… Flamant, au vu et au su de tout le monde… vit maritalement avec sa propre fille… sauf votre respect… Il en a deux enfants…

— Je m’en fous… Qu’il couche avec sa mère, avec la sainte Vierge, le diable ou le bon Dieu… Ça n’a aucun rapport avec la chasse. Flamant me plaît… Il n’a pas froid aux yeux, celui-là. C’est un lascar… Et, au moins, il est capable d’abattre son homme… comme un lapin, à l’occasion… Il faut que cela finisse… et que les braconniers sachent à qui ils auront affaire désormais… Flamant est un brave !…

M. Lerible n’avait pas répondu… Il était, sans doute, anéanti, écrasé, effondré… J’avoue que cette scène me causait à moi-même une stupéfaction douloureuse… Il y eut un court silence… Le marquis reprit :

— D’ailleurs, je veux changer tous mes gardes… Des trembleurs… des chiffes !… Des gardes, ça ?… allons donc !… Soyez tranquille,