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de toilette, fort bien aménagé, pourvu d’une baignoire et d’une douche, y attenait. Les deux fenêtres qui l’éclairaient donnaient à l’ouest sur un coin du parc, un haut rideau de sapins qui abritait le château des vents pluvieux. Entre l’écartement des branches, on distinguait, çà et là, par fragments, les communs et leurs toitures coloriées… J’aperçus sur une pelouse, longeant la ligne noire des sapins, une bande de paons, des paons blancs, des paons bleus, qui vermillaient dans l’herbe… Plus loin, un lad aux jambes torses traversa une allée, menant par la bride un cheval caparaçonné de jaune ; un chien le suivait, que je reconnus pour l’affreux bull-dog de la veille… C’était silencieux, très calme, un peu triste, pas très triste.

À moins d’être valet de chambre ou pédicure, il est difficile de juger d’un homme en caleçon. Aussi la première impression que m’avait laissée le marquis n’était pas très nette… Elle ne lui était pas, non plus, absolument défavorable. Au vrai, elle m’incitait beaucoup à réfléchir. Il faut se méfier du premier mouvement de sa sensibilité ; il trompe souvent. Il n’y a que l’accoutumance pour vous livrer la clé d’un cœur humain… En tout cas, je n’estimai point le marquis un être banal et quelconque, et l’instinct m’avertit que j’eusse à me tenir sérieusement sur mes gardes, dans mes rapports avec lui.