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— M. le marquis d’Amblezy-Sérac ?

— Votre carte ?

Je n’avais pas de cartes… Je m’excusai :

— Dites que je suis le secrétaire que M. le marquis attend.

Le domestique me dévisagea d’un coup d’œil rapide. Il eut une moue désobligeante.

— Alors, suivez-moi… fit-il.

Et donnant une poignée de main à Berget qui, pendant ce temps, avait déposé ma triste malle près de la porte :

— À tantôt chez vous, hein ?

— C’est ça !… à tantôt…

M. Victor, très grand, très noir, très droit, avait des joues grasses, rasées, presque bleues, des cheveux luisants de pommade… Son veston noir et son tablier blanc ajoutaient je ne sais quoi de funèbre à sa corpulente majesté. Il me précéda à travers des couloirs dallés de larges carreaux blancs et gris. Je jugeai inconvenant qu’il m’obligeât à passer par les parties basses du château, comme les gens de service, et je ne pus admettre qu’il agît ainsi en vertu des ordres du marquis… Je me sentis humilié et je détestai ce laquais d’une haine violente… Nous montâmes quelques petits escaliers, prîmes d’autres couloirs, et je me trouvai tout à coup dans un vaste et somptueux vestibule dont la porte s’ouvrait toute grande à deux battants sur le perron.

— Attendez ! me dit le valet.