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Il me parut imposant par sa masse énorme et carrée, sinon très beau par ses détails. Il était trop lourd et dissymétrique à cause des styles différents qui s’y mélangeaient sans s’harmoniser. À mesure que nous en approchions, on remarquait trop qu’il avait été remis à neuf depuis peu de temps, et qu’il avait dû perdre, par un excès de sur-ornementation, la beauté ancienne de ses lignes. Le bâtiment principal, de style Louis XIII, se flanquait de deux grandes et longues ailes de style Louis XVI, plus basses, qui, faisant retour sur l’autre façade, formaient cour d’honneur. Au centre de cette façade, s’élevait un perron monumental, en forme de fer à cheval. Aux extrémités du large palier et posées sur la rampe, des colonnes cannelées supportaient une sorte de marquise en pierre ajourée sous laquelle, exhaussée de quelques marches prises dans l’épaisseur du mur, s’ouvrait la porte d’entrée. La partie creuse du perron contenait un massif étagé de gigantesques rhododendrons ; les rampes latérales s’ornaient de vases de marbre anciens, dans un goût italien tourmenté, pas très pur… Et devant le château, en un déploiement de tapis sur l’or du sable, s’étalaient des pelouses à la française, les unes plates, les autres concaves, bordées de plates-bandes encore sans fleurs, où alternaient, à des intervalles réguliers, des houx panachés, taillés en cône, et des lilas à tige en boule… un