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II


À neuf heures exactement, la voiture — une vieille tapissière, — stationnait devant la porte de l’auberge. Berget y installa mes bagages. Il semblait à peine réveillé. Un gros corps flasque, une face pleine et rougeaude, des yeux bouffis, une expression de brutalité grognonne, tel était Berget, propriétaire des Trois Couronnes et adjoint au maire de Sonneville-les-Biefs. Sa femme était là, surveillant le départ.

— Pense à parler à M. Joë, recommanda-t-elle…

— C’est bon… c’est bon, fit Berget, d’une voix qui remuait encore de vieux mucus au fond de la gorge.

Comme je me disposais à monter en voiture, l’hôtelière minauda en m’adressant son plus aimable sourire :

— Si c’est que monsieur reste au château, j’espère bien que monsieur n’oubliera pas les Trois Couronnes ?

Mais un juron de Berget m’avertit que tout n’allait pas le mieux du monde. La bouton-