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— Le culottier !… Le culottier ! s’écriait-on de toutes parts.

Quoi faire ?… J’étais seul… tout seul, mes bras étaient débiles… Je m’éloignais en pleurant, la rage au cœur.

J’en étais arrivé à fuir toute société, à rechercher les coins d’ombre, à me cacher derrière les arbres et le mur en retrait du jeu de paume… Personne pour me défendre et me consoler… Et toujours les lettres de mon père, répondant à mes lettres dont il ne sentait pas la douleur infinie :

— Use-le d’abord !…

Le pire était qu’une fois la semaine je sortais chez un correspondant, ami de ma famille… Il avait deux filles fort jolies… C’était pour moi une journée délicieuse et que j’attendais impatiemment… Quand il me fut impossible de dissimuler devant elles, par des artifices devenus inutiles, la honte obscène, éclatante de mon pantalon, ces charitables petites personnes rirent de moi si cruellement que, désormais, je préférai me priver de cette sortie qui m’aidait pourtant à mieux supporter les durs ennuis, les brimades féroces du collège.

Et voilà ce qui m’inquiétait encore par-dessus toutes autres choses, à plus de quinze ans de distance : l’état de ma garde-robe. Elle était dans le plus complet désarroi. J’avais eu beau soigner mes vêtements avec une patience d’avare, une subtile ingéniosité de Chinois, ils se trouvaient