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peut-être pas dîné… Et il est comme tout le monde ! C’est admirable !

Et je me rappelais les tortures que j’avais endurées au collège, pour un pantalon. Ah ! le maudit pantalon !

Ce pantalon était un vieux pantalon de mon père que celui-ci, après des retouches, selon ma taille, m’avait repassé, le trouvant trop usé pour lui…

— Il est trop usé pour moi, mais il est encore bon pour toi… Toi, ce n’est pas la même chose… Et en y mettant beaucoup de soin !… avait-il déclaré, employant un de ces raisonnements convaincants et merveilleux comme en ont les pères, et qui vous font comprendre tout de suite la vie…

Quand je l’eus porté pendant huit jours, ce fâcheux pantalon, j’eus conscience de tous les ennuis qu’il me causerait. Mais mon père, très pénétré de son autorité, restait inflexible. Il refusait obstinément de le remplacer par un neuf.

— Use-le d’abord ! Nous verrons ensuite ! répondait-il aux supplications désolées de mes lettres.

Use-le !… Il ne me tenait plus aux jambes. Non seulement il s’effrangeait par le bas, — ce qui eût, peut-être, été supportable, — mais encore, quoi que je pusse faire, il laissait passer, à la fourche, par des trous irréparables, de longs et ridicules pans de chemise. Je ne parle pas