Page:Octave Mirbeau Un gentilhomme 1920.djvu/60

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sa pauvreté !… C’est une plaie honteuse, un vice ignoble qui vous rend indigne de leur pitié. Le pauvre est l’ennemi de la joie et de la bonté. Il apparaît, parmi les sourires, comme un remords agaçant ; il fait tache sur le bonheur… oh ! pas de pauvreté, n’est-ce pas ! pas de pauvreté apparente !… Au diable le malheur !… Qu’il s’arrange dans les coins, comme il pourra… mais loin de nous !…

L’intérêt que les riches voudraient témoigner à un pauvre cède presque toujours devant un habit crasseux et élimé ; leur charité ne va pas jusqu’à s’émouvoir d’une paire de chaussures trouées et rapiécées et de ce qu’elles représentent, quelquefois, d’intimités douloureuses et dramatiques… Avec les pauvres qui ne sont point des mendiants professionnels, qui ne traînent pas leurs guenilles sur les routes boueuses, ils veulent vivre dans un état de sécurité polie, de confiance silencieuse, discrète, optimiste, qu’aucun spectacle de tristesse ne puisse offenser. Il vous est loisible d’être pauvre, — c’est même extrêmement touchant, — mais à la condition de n’être pas mal tenu, et que cela ne se voie ni sur votre visage, ni sur vos habits. L’affectation est inconvenante et de fort mauvais ton. Il faut de la mesure en toutes choses, et de la bonne éducation…

— Vous savez, mon cher… ce M. X… que vous avez vu chez moi, l’autre soir ?… Il n’avait