Page:Octave Mirbeau Un gentilhomme 1920.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il fait un temps de chien dehors… Tu veux, mon chéri ?

— Je veux bien…

Je me laissai déshabiller et mettre au lit comme un enfant… Elle se coucha près de moi. Bientôt la chaleur des draps, ce corps de femme qui me réchauffait la peau, et cet affreux instinct animal qui réclame tous les assouvissements de la chair, tout cela alluma en moi le désir. Je ne craignis pas de porter une main brutale et ignoble sur elle. Elle me repoussa doucement :

— Non… non… fit-elle… pas toi, mon chéri… pas toi… Dors… je t’en prie !

Et nous nous endormîmes aux bras l’un de l’autre, chastement.

Rentré chez moi, le lendemain à midi, je sentis dans une des poches de mon gilet un corps dur. C’était un morceau de papier… Il enveloppait quatre pièces de cinquante centimes et quelques sous… ce qui restait, bien sûr, de l’achat de mon souper… Des larmes me vinrent aux yeux, larmes de reconnaissance douloureuse et de honte !

Un mois après cette nuit tragique, ayant enfin trouvé une place de secrétaire chez un vieux maniaque de province qui voulait écrire une histoire des Contributions directes en France, je retournai, avant de me rendre à ma nouvelle destination, cité Gaillard… J’eus de la peine à