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violent, les femmes ont une force d’endurance extraordinaire ; même les plus frêles, elles possèdent une vigueur physique que n’ont point les hommes les plus vigoureusement musclés… Elle m’aida à me lever, me conduisit dans la pièce, m’allongea sur un vieux divan qui occupait tout le fond du cabinet :

— Et surtout, ne t’impatiente pas… attends que je vienne t’ouvrir… Et si tu étais un petit homme bien gentil, tu tâcherais de dormir, mon chéri…

Puis elle m’embrassa tendrement, et, agile, presque bondissante, elle partit et referma sur moi la porte. J’entendis ses pas dans l’escalier… et bientôt je n’entendis plus rien. J’étais dans le silence et dans la nuit… La crise s’atténuait ; mes souffrances se calmaient… Au bout de quelques minutes une sensation de bien-être, de défaillance douce et légère, me pénétra, me berça comme un rêve… J’étais dans cet état de béatitude, de faiblesse presque voluptueuse qui s’empare du corps d’un fiévreux, l’accès fini…

Combien de temps demeurai-je ainsi ? Je ne pourrais le dire. Bien que je ne dormisse pas tout à fait, il me sembla que j’étais transporté loin… loin… Deux voix qui parlaient dans la chambre me réveillèrent, me rappelèrent à la réalité. D’abord je reconnus la voix de mon amie ; l’autre était une voix d’homme, grasse, avinée… Elles paraissaient discuter, colères et rieuses, tour à