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une veilleuse, elle prit un bougeoir, l’alluma, et, me tenant par la main, me guida dans l’escalier… Nous montâmes trois étages, trois interminables étages, par des rampes étroites, tortueuses, gluantes, d’où s’exhalait une odeur fétide… nous dûmes nous effacer contre le mur, pour laisser passer un homme et une femme qui redescendaient — étranges et troublants fantômes… — sur les paliers, à travers les portes, des voix… des voix obscènes, des voix saoules… des voix étouffées… Oh ! ces voix… la tristesse de ces voix dans ce milieu de nuit, de terreur, de misère et de plaisir !…

Un lit d’acajou déplaqué, sans rideaux, une carpette usée, découvrant le parquet par de larges déchirures, un fauteuil presque entièrement dégarni, un lavabo et une table de bois blanc, une cuvette à terre… deux chaises… tel était le minable réduit où je fus introduit… Au fond, une porte ouverte donnait sur une petite pièce, dans laquelle j’aperçus un coin de fourneau… Une bouilloire chauffait sur des cendres encore chaudes, et des linges… des serviettes trouées, séchaient, étendus d’une cloison à l’autre, sur une corde…

Je m’effondrai dans le fauteuil et, quelques instants, je restai là à étreindre ma pauvre tête en mes mains… J’entendais la femme aller et venir à travers la chambre, ranger des objets… puis enlever son chapeau, puis enlever son collet,