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sordide, et ce qui, par l’odeur et par le vice s’en rapproche le mieux : les plus ignobles valets. Moi, j’en étais réduit à chercher l’amour dans les étables, auprès des pires filles de basse-cour… Les voilà, nos aventures !

Vous croyez peut-être qu’une telle situation, inséparable d’un tel métier, m’effrayait ou me répugnait ? Nullement. J’en avais depuis longtemps l’habitude. Par une prédestination singulière, et dans une persistante malchance, jamais ne s’était offerte à moi — j’avais alors vingt-sept ans, — non seulement une autre carrière, mais la possibilité d’une autre carrière que celle-là. Carrière intermittente, d’ailleurs, et peu rémunératrice, je vous assure, car — et je mets au compte des profits et pertes les déboires, les blessures d’amour-propre que, fatalement, inflige au débutant un tel servage — il m’arrivait souvent dans l’intervalle d’une place à l’autre de subir de longs mois de chômage, durant lesquels je crevais littéralement de faim, ne trouvant à employer mon activité qu’à des travaux dérisoires de journalisme, de copies à peine payées, et le plus souvent à des expédients peu glorieux. Si je disais — et pourquoi ne le dirais-je pas ? car la honte n’est pas pour moi, — si je disais qu’un jour je finis par accepter les propositions d’une généreuse proxénète qui, le plus tranquillement du monde, me demandait de mettre mes complaisances au service de vieux