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trement compliqué de la voûte. Au-dessus de moi, le vent heurtait les unes contre les autres les ramures qui craquaient et faisaient entendre des plaintes presque humaines. Quelques brindilles mortes tombèrent à mes pieds.

— Ainsi donc, me dis-je… c’est là-bas… au fond de ce lugubre là-bas… où je ne vois rien que de la nuit. C’est là que je vais vivre désormais !… Pour combien de temps ? Parmi quelles fantaisies… quels caprices… quels égoïsmes inédits, peut-être ? Et quelles humiliations nouvelles m’attendent encore ? Et de quelles haines plus douloureuses vais-je encore charger mon pauvre cœur ? Comme s’il avait besoin de cela, mon Dieu !

J’étais plus nerveux, plus inquiet, impatient de je ne sais quoi, en proie à une sorte d’agaçante fièvre que l’obscurité redoublait. Et je marchais, ou plutôt je piétinais dans cette ombre inconnue, avec une véritable souffrance. J’appelais à moi les images de ce marquis, terrible, peut-être, dans sa bonhomie et dans sa gaîté, lesquelles semblaient prendre, à travers les récits de l’hôtelière, une expression de grimaçante et ricanante férocité ; de la marquise, silencieuse, à la figure sévère, plus impitoyable d’avoir renié sa race et sa foi ; du château fastueux, tumultueux, où je me sentais à l’avance si effacé, si perdu, petit reflet falot, errant comme une tache sur la somptuosité