Page:Octave Mirbeau Un gentilhomme 1920.djvu/241

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ô chère, chère Clotilde ! si vous saviez comme je vous aime ainsi ! Voilà des années et des années que je rêve de vous voir ainsi !… Mais c’est toute ma joie ! Être l’un à l’autre dans la même maison. Ô ciel !… C’est maintenant seulement, dans cette intimité de toutes les minutes, que je puis m’imaginer que vous êtes ma femme, ma vraie femme !… ma vraie femme !… Comprenez-vous l’enthousiasme et la douceur fondante de cette illusion ?…

— Que vous me fatiguez !… Comment voulez-vous que je m’installe, si vous êtes toujours à me dire de pareilles folies. En vérité, je ne vous savais pas si vulgaire !

Elle haussait les épaules et je l’entendais qui disait, tout d’un coup :

— Et tous mes costumes blancs que j’ai oubliés !… Et un tas de choses que je ne retrouve pas !

Et les femmes de chambre, sur les indications sommaires de Clotilde, fouillaient les malles, vidaient les valises, retournaient les cartons, d’où les odeurs, violentes et diverses, s’échappaient et promenaient dans toute la maison d’étranges lourdeurs.

Mais je m’acharnais, croyant, par la ferveur, par la puissance de mon amour, l’enlever, un instant, à ses robes, à ses malles.

— Non ! non ! répétait-elle… Je vous en prie, laissez-moi et allez-vous-en !… Allez vous pro-