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c’est la solitude, la chère solitude que nous sommes venus chercher ici ?

— Il faut pourtant bien, répondait-elle, que j’aie quelque chose à me mettre !

Et, perdue au milieu de ses malles, de ses costumes, de ses lingeries déballées, de ses bottines et de ses ombrelles, d’un tas de choses extraordinaires dont j’ignorais la destination, elle gémissait.

— Dieu ! que cette villa est absurde et incommode ! On n’y peut rien mettre… C’est à mourir !…

J’essayais de la consoler, de l’attendrir, et je lui disais, avec des douceurs infinies :

— Vous vous fatiguez, mon cher amour… Reposez-vous, je vous en supplie !… Vous avez bien le temps !

Elle répondait :

— Vous êtes charmant, en vérité ! Et comment voulez-vous que je fasse ?… Est-ce moi qui ai choisi cette horrible villa, où l’on n’a même pas la place de se retourner ?

— Oh ! vous êtes un peu injuste, chère âme !

— Et vous êtes toujours sur mon dos… Vous me gênez épouvantablement… Vous m’empêchez de travailler.

— Est-il possible !… Je suis tout petit… Je ne bouge pas !

D’une voix plus impérieuse, elle répliquait :

— D’abord, je n’aime pas qu’on me voie ainsi !… Je suis à faire peur !