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dresses, le soir, à la fenêtre, devant les magies du port !… Oh ! l’ivresse enfin, et la sécurité tant souhaitée de notre adultère ! Où tout cela était-il ?… Qu’avais-je rêvé, mon Dieu ?… Depuis que nous étions l’un à l’autre, sans mari, sans couturières, sans conventions mondaines entre nous, sans rien entre nous, que la liberté absolue de nous aimer et de nous dire, sans cesse, que nous nous aimions, jamais Clotilde n’avait été moins à moi, jamais je n’avais moins joui d’elle, de sa chère présence, de son cher esprit, de ses chers regards !… J’en arrivais à regretter les anciennes contraintes, les retards du rendez-vous et l’œil soupçonneux des amies, tout ce que nous avions voulu fuir !…

Du rez-de-chaussée au second étage, toutes les pièces de la villa étaient encombrées de ses robes, de ses corsages, de ses chemisettes, de ses manteaux, en tas sur les lits, les tables, les chaises, les pianos. Et elle ne savait où loger tout cela… Garde-robes, placards, armoires, penderies, étaient déjà remplis, et l’on n’apercevait pas que les tas diminuassent. Il en sortait toujours de ces malles enchantées, toujours, il s’en formait de nouveaux. À peine enlevés, ils se reconstituaient, plus larges, plus hauts, plus nombreux.

— Mais, chère Clotilde, demandais-je, inquiet, pourquoi toutes ces toilettes de bal ? Puisque