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sept, les dentistes, les modistes et les couturières, et le thé des amies, mettent d’obstacles invincibles et d’élégantes douleurs, entre deux êtres qui s’aiment à Paris. Ah ! Dieu ! non !… Ce serait la présence continuelle, la liberté infinie, la solitude et le chant de triomphe de nos âmes enfin jointes, et les yeux dans les yeux, la main dans la main, la bouche sur la bouche, toujours ! Le paradis si souvent entrevu et jamais atteint !…

Ce moment divin arriva, peu importe à la suite de quelle aventure. Il avait été convenu, — car nous nous aimions selon le plus pur Bourget — que nous irions passer ces trois mois miraculeux et bénis dans un port très anglais.

— Oh ! pas d’Italie, surtout ! m’avait dit Clotilde. L’Italie est le rêve des amants bourgeois… On n’y a que de médiocres enthousiasmes… Et que de lèvres inférieures ont baisé la colonne Trajane ! Et que de vulgaires petites âmes se sont pâmées sur les ennuyeuses eaux du Lido. Nous, soyons modern’amour, chéri, voulez-vous ?

— Oui ! oui !

J’étais parti le premier afin de dépister les soupçons, et aussi pour choisir une belle villa sur la côte, au bord de la mer, car les hôtels ont des surprises malencontreuses pour les cœurs adultères.