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Clotilde et moi.


I


J’attendais — avec quelle anxiété passionnée ! — le moment depuis si longtemps rêvé où Clotilde, enfin libre pour trois mois, nous pourrions, tous les deux — ah ! tous les deux !  — jouir de notre adultère, vivre notre adultère tout entier, sans contrainte, sans rien entre nous, au soleil, comme deux époux… Comme deux époux, dans le soleil, au bras l’un de l’autre, du matin au soir, comprenez-vous cette ivresse ? Vous qui me lisez, êtes-vous des amants assez mondains pour sentir cette exaltation tant de fois promise, toujours reculée ?

Ah ! ce ne serait plus ce petit rez-de-chaussée de la rue Lincoln, si froid, si banal, si sombre, ni la surveillance obscure et sournoise du concierge, ni les attentes terribles, ni les rendez-vous précipités, ni les rendez-vous manqués, ni la peur des potins, ni tout ce que, de quatre à