malgré ses protestations, je le retins à dîner. Au dessert, pour exciter sa confiance, je lui avais raconté ma vie, en l’enjolivant d’événements extraordinaires qui ne m’étaient pas arrivés, et de traits d’héroïsme aussi brillants que faux.
— Et vous ? dis-je à mon nouvel ami — car rien ne vous fait l’ami de quelqu’un comme ces récits où l’on apparaît devant lui, chevaleresque et sublime, — et vous… vous devez avoir eu une existence curieuse et bien remplie ?
— Oh ! moi ! fit Justin Durand, sans trop d’embarras, et avec un sourire mélancolique, moi… j’ai été cocu… Telle fut ma vie !
— Ah ! je comprends, m’écriai-je… Et je vois, d’ici, la scène terrible et sanglante… Vous avez tué les deux larrons de votre honneur, les deux misérables larrons de votre honneur ?…
— Ma foi, non !… répondit doucement Justin Durand… D’ailleurs, pensez que jamais personne ne fut plus ni même autant cocu que je l’ai été… Et s’il m’avait fallu tuer tous les larrons de mon honneur, comme vous dites, ma vie tout entière se fût passée à cet exercice…
— Mais alors ?
— Je n’étais plus tout jeune quand je me mariai, narra mon ami, et la femme que j’avais choisie était beaucoup trop jolie pour un pauvre homme comme moi. Je m’aperçus tout de suite que je ne serais pas heureux. J’ai l’air d’être bête parce que je suis gauche et timide, mais j’ai pour-