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Les premiers jours, elle ne fit que se cacher dans les coins. Elle se dérobait aux caresses et rien ne pouvait la distraire et la faire sourire. Puis, peu à peu, elle se mit à regarder autour d’elle, à interroger de ses yeux muets si étranges les choses et les êtres, tout cela qui était nouveau pour elle. Elle eut des joies visibles à tâter la soie des robes de sa mère, à humer les parfums des cheveux de sa mère, à se prélasser sur les fauteuils, souples et doux, à se frotter aux tentures, comme une chatte. Et, tout d’un coup, elle se prit pour sa mère d’un amour violent, passionné, et en même temps, pour Ernest Lacombe, d’une haine d’autant plus inexplicable que celui-ci était envers elle d’une attendrissante, ingénieuse et délicate bonté.

Thérèse connut alors des jours heureux et bien remplis. Elle passait son temps à pomponner sa fille, la fanfrelucher de mille chiffons charmants. Elle l’emmenait partout avec elle, la promenait au Bois, dans sa voiture ; la montrait, le soir, quelquefois, au cirque, durant les représentations élégantes. Et Cécile ne se rassasiait pas d’embrasser sa mère. C’était, à chaque minute, une poussée impétueuse de tout son petit corps malingre vers l’étreinte maternelle. Et presque défaillante de bonheur, elle ne trouvait jamais autre chose à dire, dans ces moments d’exaltation, que ces mots :

— Oh ! mère !… mère !… mère !…