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— Il est farceur, donc !… Il aime à rire… souvent, c’est à payer sa place…

Elle me montra, clouée sur un écusson de bois verni, dans le panneau de la cheminée, une tête naturalisée de vieux dix-cors. Deux fusils à pierre, deux poires à poudre, une blague à tabac, un fouet à chiens, pendaient accrochés, symétriquement, en trophée, aux andouillers du bois.

— Vous voyez bien ça ?… C’est M. le marquis qui nous l’a donné, l’année dernière, à la fin des chasses… Un cadeau pas ordinaire !… En l’apportant, il a dit à Berget : « C’est pour toi… Seulement, tu sais, mon cher, tâche de ne pas en avoir autant sur la tête… Sacré Berget !… Sacré cocu de Berget ! »

Elle se mit à rire bruyamment :

— Ma foi oui !… comme ça… pour plaisanter, pour rigoler… Car vous pensez bien… Et ils ont pris une bouteille ensemble… C’te idée, tout de même !

Elle ajouta en considérant avec reconnaissance la tête de cerf :

— Nous avons été bien contents !… Tout le monde n’a pas ça, chez soi… Et ça meuble…

Amusée par ce souvenir, elle changea mon assiette et me passa le dessert :

— C’est vrai que M. le marquis a connu Berget, tout enfant, et qu’il continue de le