Page:Octave Mirbeau Un gentilhomme 1920.djvu/20

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

j’étais, que quelqu’un — même quelqu’un d’aussi vulgaire que cette femme — marchât, parlât, bourdonnât, s’agitât autour de moi…

— Il est vraiment aussi riche que ça ?… insistai-je pour dire quelque chose.

Elle s’exclama, en levant vers le plafond, comme pour un serment, ses petits bras accourcis :

— S’il est riche ?… Ah ! Seigneur Jésus !… S’il est riche ?… Ah ! Bon sang !… C’est-à-dire que…

Sans doute, elle ne put trouver une comparaison suffisamment noble et imagée pour exprimer, d’une façon saisissante, la richesse du marquis. D’ailleurs, elle était à bout de souffle… Elle s’arrêta court, les joues toutes gonflées… Après une pause, durant laquelle elle remplit d’air sa poitrine :

— Il n’y a que pour la chasse… fit-elle, changeant d’idée, brusquement, et sur un ton qui comportait une légère restriction… Ah ! dame !… il ne badine pas, là-dessus… C’est son père, tout craché…

Et, avec un sourire malicieusement niais :

— Il est bien aussi quelquefois… un peu original…

Je flairai des histoires sinistres.

— Original ?… répétai-je… Il est original ?… qu’appelez-vous être original ?