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sifflements du vent m’arrivaient assourdis et douloureux, pareils à des râles. Chose extraordinaire, ma pensée ne me représentait pas du tout l’assassin qui allait venir… qui était là peut-être… En cette horreur où j’étais, je ne revoyais que la petite Lizy, rose, blonde, et candide, avec sa poupée et son grand chapeau ; je la revoyais, dormant sur les bras de son père ; de temps en temps, elle soulevait légèrement sa paupière et découvrait son œil, qui m’apparaissait alors, effronté, implacable, cruel, assassin.

« On ouvrit la porte, mais si doucement qu’on eût dit un grattement de souris. — Je dus me mordre les lèvres jusqu’au sang pour ne pas crier. Maintenant, un homme marchait, à pas glissés, avec d’infinies précautions, pour ne point heurter violemment les meubles. Il me semblait que je voyais des mains tâtonnantes se poser partout, chercher mes vêtements, les fouiller… Et les pas se rapprochaient de moi, m’effleuraient… Je sentis que l’homme s’était penché sur le lit, et qu’il frappait à grands coups. Puis je n’entendis plus rien.

« Quand je repris connaissance, la chambre était redevenue silencieuse… Mais l’effroi me retenait cloué à cette place… Pourtant, je me décidai à sortir, avec quelle prudence, vous ne pouvez pas vous l’imaginer. À tâtons, je gagnai la porte, qui n’avait pas été refermée… Pas un souffle, pas un bruit. Frôlant les murs, je m’enga-