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dans les endroits où l’on se trouve pour la première fois. J’étouffais dans cette chambre. Avant de me mettre au lit, je voulus respirer un peu d’air du dehors, et malgré l’orage qui grondait, j’essayai d’ouvrir la fenêtre. C’était une fausse fenêtre.

« — Tiens ! » me dis-je un peu étonné.

« L’idée me vint de soulever la trappe de la cheminée : fausse cheminée. Je courus à la porte : la porte était verrouillée. La peur me prit et, retenant mon souffle, j’écoutai. La maison était tranquille, semblait dormir. Alors j’inspectai la chambre, minutieusement, dressant l’oreille au moindre bruit suspect. Près du lit, sur le plancher, je remarquai des taches ; c’était du sang, du sang séché et noirâtre. Je frissonnai, une sueur glacée me monta au visage. Du sang ! Pourquoi du sang ? Et je compris qu’une mare de sang avait dû s’étaler là, car le parquet, à cette place, sur une grande largeur, avait été fraîchement lavé et gratté. Tout à coup, je poussai un cri. Sous le lit j’avais aperçu un homme, allongé, immobile, raide ainsi qu’une statue renversée. Crier, appeler, je ne le pouvais pas. De mes mains tremblantes, je touchai l’homme : l’homme ne bougea pas. De mes mains tremblantes, je secouai l’homme : l’homme ne bougea pas. De mes mains tremblantes, je saisis l’homme par les pieds et l’attirai : l’homme était mort. La gorge avait été coupée nettement, d’un seul coup, par un rasoir,