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IV


« L’atmosphère avait été lourde pendant toute la journée, et le soir un orage terrible se déclara. Les coups de tonnerre se succédaient sans interruption ; la pluie tombait, torrentielle. Était-ce aussi l’effet de l’orage, de la chaleur suffocante ou des vins que nous avions bus, je me sentais à la tête une violente douleur ; je respirais difficilement. Je voulus partir quand même, car il se faisait tard et je demeurais loin, mais on insista pour me garder. C’était de la folie que de m’exposer, souffrant, à une tempête pareille. La mère pria, supplia avec tant de bonne grâce, que force me fut de passer la nuit dans cette maison hospitalière. On me conduisit en grande pompe à ma chambre, et l’on me souhaita bonne nuit… Je me souviens même que, Lizy s’étant endormie dans les bras de son père, j’embrassai sa petite joue pâlie par le sommeil, et son bras potelé qui pendait.

« Resté seul, je commençais de me déshabiller, lentement, en flânant, comme il arrive toujours