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sations il imite le chien à l’arrêt, le vol des perdreaux, le lièvre qui roule frappé à la tête d’un coup de plomb, les détonations du fusil, la pipée de la bécasse ; tous les objets qui se trouvent sous sa main lui servent à expliquer ses récits, à les rendre visibles.

— J’arrive dans un champ de luzerne (il pose au milieu de la table son assiette où restent encore quelques feuilles de salade)… Ça c’est le champ de luzerne… Suivez-moi bien… À côté, il y avait un bois… tenez… (il dispose près de l’assiette deux ou trois bouteilles)… ça c’est le bois… Attention !… Voilà que, tout à coup, dans la luzerne (il montre l’assiette)… tout contre le bois (il indique les bouteilles)… j’aperçois un lièvre au gîte… (il coule une croûte de pain sous les feuilles de salade)… voyez-vous, ça c’est le lièvre… un gros lièvre… énorme… Alors… (il se lève, se recule sur la pointe des pieds, doucement)… il rondissait l’œil… (il fait le geste d’épauler)… je ne me presse pas… (il vise la croûte de pain)… Pan !… pan !… Je cours… (il se précipite vers l’assiette, en retire la croûte de pain, et prend un air consterné)… C’était pas un lièvre !… non… c’était une casquette ! (il jette la croûte à terre, et la repousse du pied)… une casquette !… Ah ! ah !… J’en ris maintenant… mais sur le moment !… Une casquette !… Oh ! oh !…

Hormis ces trois pensionnaires qui mangent