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menade d’une heure au bord de la rivière, dans la journée, et, le soir, la lecture des vers de M. Coppée et des romans de M. Ohnet. À une époque, il aimait à s’oublier parfois, au bureau de tabac, où trône la belle Valentine ; il lui prêtait Serge Panine et copiait pour elle quelques vers du Passant, mais on prétend que « ça n’a pas été plus loin ». D’ailleurs, depuis deux mois il n’entre plus au bureau de tabac : « Je ne fume plus », dit-il mélancoliquement.

Le rat de cave, lui, est très gai, grand chasseur, et d’une mise presque négligée. Il arrive toujours pour dîner en tenue de chasse, avec ses guêtres boueuses, son pantalon et son veston de toile bleue, maculés de sang. Le principal clerc le méprise un peu, parce qu’il trouve que la chasse au fusil manque de distinction et qu’il n’y a que « la chasse à courre pour être vraiment chic ». De là des discussions qui, la plupart du temps, dégénèrent en disputes. « Un perdreau ! s’écrie le principal, dédaigneusement, qu’est-ce que c’est que ça qu’un perdreau !… Parlez-moi d’un dix-cors, d’un sanglier, au moins cela signifie quelque chose » — « Et ta meute ! répond le rat de cave d’un ton froissé. Va donc, vieux limier ! Tu fais le pied dans les actes de ton patron, tu embûches les souris dans les cartons de l’étude ! »

Le rat de cave a, sans cesse, des aventures extraordinaires à raconter. Dans ses conver-