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caricature politique, cadeau d’un commis voyageur, décorent les murs.

La table d’hôte n’a que trois pensionnaires : le receveur de l’enregistrement, le receveur des contributions indirectes, celui que les cabaretiers appellent : le rat de cave, et les paysans : l’ambulant ; le troisième, récemment arrivé de Vendée, est le principal clerc de Me Bernard, notaire.

C’est un vieil homme fort râpé, qui sent la poussière des paperasses et des dossiers ; pourtant il porte des bottes à l’écuyère et ne s’habille que de jaquettes en velours feuille morte, ornées de boutons de bronze représentant des attributs de chasse. Le principal clerc de Me Bernard a la passion de la chasse à courre, bien qu’il n’ait jamais chassé, mais il s’en console en citant à tout propos le nom des piqueux célèbres, des grands veneurs, et en sonnant de la trompe, chaque soir, après dîner, dans la petite chambre qu’il occupe à l’hôtel. Le jour de son arrivée, il a cru devoir faire sa profession de foi aux convives de la table d’hôte : « Je suis républicain, messieurs, mais il faut être juste en tout ; eh bien, pour sonner de la trompe, il n’y en a pas comme Baudry d’Asson. »

Le receveur de l’enregistrement est un jeune homme rangé, triste, ponctuel et très propre. Il mange beaucoup et parle peu. On ne lui connaît pas d’autres distractions qu’une pro-