Page:Octave Mirbeau Un gentilhomme 1920.djvu/17

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la tête de trois quarts, en arrière !… C’est quelque chose ! Un vrai général, quoi !… Il en a tué, allez… des Prussiens et des maudits communards !… Ah ! on peut chercher loin en France et ailleurs… Si on trouve, quelque part, un homme pareil, je veux être pendue !

Elle déménagea de la table sur le buffet des piles d’assiettes, des bouteilles, augmenta, généreusement, mon dessert de trois figues sèches, et elle continua sur le même ton d’enthousiasme :

— Depuis que c’est lui, le maître… il y en a, joliment, du changement… pour tout le monde, ici… Ça va… ça vient… Et des équipages… et des fêtes… et des chasses… et des domestiques ! La dépense marche, allez !… Il en remue, de la monnaie et des poignées de mains !… Quand il arrive quelque part, tout le monde est content… on l’acclame : « Vive monsieur le marquis ! » Faut dire que défunt M. le marquis, le père, n’était pas commode tous les jours… Ah ! non !… Un bon homme aussi, pour sûr… mais pas commode, quoi !… Tenez !… il y a dans l’église… toute une chapelle — la plus grande, la plus riche — réservée au château, pour la famille, les invités… la livrée… Moi… je trouve ça juste… Ça ne serait pas la peine d’être si haut placé… d’avoir un si beau château… et tant de fortune… si l’on était confondu avec le commun… avec les