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commet sottises sur bévues. Le maréchal, ostensiblement, ne veut ni le voir, ni lui parler… Et Gambetta dissimule mal son affolement sous des menaces ridicules… Ils sont fichus… Dans un mois nous serons au pouvoir. Et notre digne roy restera dans sa berline, avec son drapeau, comme toujours… Tel est le programme…

— Oui ! fit simplement le baron… Eh bien, repassez-moi donc la fine champagne…

À la fin de la soirée, il était tellement ivre qu’on fut obligé de le coucher. Il répétait sans cesse :

— Galliffet a bien un ventre en argent… Pourquoi ne me mettrait-on pas, un c… en or ?… Je veux un c… en or pour le service du roy !…

Après avoir allumé par de telles confidences mes curiosités, le marquis me laissait souvent, quatre ou cinq jours, sans autres nouvelles… Et si je lui en demandais, il répliquait d’un ton cassant :

— Rien aujourd’hui… voyez les journaux.

J’éprouvais une grande déception. Dans une telle existence côte à côte, si bien faite, sans personne entre nous, pour rapprocher les distances et souder les âmes l’une à l’autre, je m’étais flatté de conquérir assez vite les bonnes grâces du marquis. J’avais mis à cela de l’habileté, de la réserve, de l’exactitude, une certaine élégance d’esprit dont il était homme à me