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que chose de fixe, d’inexpressif, et, en même temps, de si terriblement dévasté, qu’il me fit mal…

— À mon âge !… ah ! non… mauvaise affaire…

Et, sans embarras, il expliqua :

— Victoire a l’habitude… Je la connais… elle me connaît… elle connaît le fourbi… C’est une femme de tête et de courage… J’en trouverais jamais une pareille… Non… monsieur le marquis… parlons pas de ça !

On sentait dans le ton de ses paroles une décision inébranlable… Il dit encore :

— Et puis… voyons ? qui voudrait d’elle ?

— Je me charge de lui trouver un mari, ou une bonne place… répliqua le marquis.

Mais Flamant avait secoué de nouveau la tête… Un pli amer raya ses lèvres blêmes ; les rides de son front s’accentuèrent. Peut-être commençait-il à s’irriter de cette insistance inutile… et douloureuse :

— Parlons pas de ça ! fit-il, encore plus brièvement, encore plus fermement que la première fois.

Les deux hommes demeurèrent dans le silence, Flamant, maintenant très calme, regardait, sans le voir sans doute, un nuage déjà bordé de rose qui voyageait lentement, dans le ciel, au-dessus du cirque d’arbres… Le marquis était visiblement décontenancé d’une résistance qu’il ne rencontrait jamais chez de telles gens…