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— Monsieur le marquis peut compter sur moi…

— J’y compte… Et ta fille ?

Flamant, d’un geste, montra la maison :

— Elle est là… Elle range…

Son allure, ses réponses ne manifestaient aucune servilité… Il était sobre de paroles et de mouvements…

— Ah ! fit simplement le marquis…

Et il se tut… Il semblait un peu gêné, quoique, en vérité, il ne dissimulât pas une étrange sympathie pour cet homme. Et il fouettait l’herbe de sa canne, le front soucieux… Il se décida pourtant à parler…

— Dis-moi, Flamant ?… Écoute-moi bien… Tu ne peux pas continuer à vivre comme tu vis… Pour toi, pour moi, pour tout le monde, tu ne le peux pas !… Il ne s’agit pas seulement de la morale… il s’agit de ton autorité… comprends-tu ? Il faut marier ta fille, mon gars… ou la placer loin d’ici.

Flamant secoua la tête… Il répondit avec une fermeté tranquille…

— Pour ça… monsieur le marquis… c’est impossible !…

— Et pourquoi ?

— Le métier sera dur ici… j’ai besoin d’une femme… et d’une solide !

— Eh bien… prends-en une, animal… Remarie-toi…

Le braconnier sourit, et ce sourire avait quel-