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Quand nous sortîmes de Monteville, au trot rapide du cheval, et que les petites fabriques échelonnées sur le cours de l’Ornette eurent disparu au tournant de la vallée, entre les rayures roses des aulnes, le marquis me dit en riant d’un bon rire amusé :

— La chapelle de saint Joseph ?… Je connais ça !… Il me la pose tous les ans… Saint Joseph, c’est Julie… une belle fille, ma foi !… Ah ! il va en faire une noce, avec mes cent francs, le sacré curé !… Il faut bien que tout le monde s’amuse, hein ?… les curés comme les autres… Et ce Lerond ? Ne vous y trompez pas, mon cher… Au fond… vous savez ! malgré sa bigoterie… un révolutionnaire… tout au moins… un sentimental… mais, c’est la même chose…

Maintenant, nous filions à toute allure vers la Vente à Boulay.

On appelait ainsi — je crois l’avoir dit — un quartier assez vaste de la forêt. La moitié dépendait de Sonneville-les-Biefs, l’autre moitié, de Monteville-sur-Ornette. Ici, la futaie se faisait plus rare, et n’occupait que les terrains bas. Sur les hauteurs, le sol caillouteux, très sec, ne pouvait nourrir — et très maigrement — que les taillis de chênes et de bouleaux dont les baliveaux clairsemés avaient un aspect chétif et tordu. D’épais ajoncs, de profondes bruyères offraient au gibier une retraite sûre, presque impénétrable, en certains endroits. C’était, mal-